Archives de octobre, 2016

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant d’une photo de Julien Ribot, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

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– C’est ce dont je te parlais. On pourrait la retaper et en faire un site vraiment cool pour que les jeunes du quartier viennent y faire du skate.

– hmmm.

– Com’on man! Ça ne te plait pas?

– Te rappelles-tu de ce camps de chasse que mon père avait  à Notre-Dame-des-Bois?

– Oui, je me souviens de sa cabane.

– Quand il est tombé malade, elle a été laissée à l’abandon.

– Je ne saisi pas ou tu veux en venir.

– Je suis retourné à sa cabane il y a quelques mois. Les écureuils avaient envahi les lieux, il y avait des excréments partout, le matelas avait été grugé par les souris, les fenêtres étaient brisées. Au bout d’un certain temps, quand une construction d’homme est laissée à l’abandon, la faune locale en reprend possession. Ces tags sur les murs c’est comme un animal qui pisse pour marquer son territoire.

– Com’on man!, c’est pas de la pisse, c’est de l’art. Regarde ces formes, ces couleurs. Ces gars-là sont des artistes. Pour eux, toute surface urbaine est une immense toile qui ne demande qu’à être illuminée et mise en valeur. Ils ne cherchent pas à se l’approprier, ils cherchent à la libérer, à lui donner une personnalité unique. Moi, je ferais le ménage ici, je nettoierais et j’en ferais un endroit confortable, mais je laisserais tous ces tags sur les murs pour que les jeunes skaters s’y sentent chez eux, parce que ça ne serait pas dans le style tout propre-propre dont ils se sentent exclus.

– Je sais pas.

– L’art, ça dérange. Il faut que ça dérange. C’est toujours une sorte de cri du coeur de l’artiste qui étale ses tripes pour s’exprimer. Quand tu regardes une peinture ou une sculpture, tu as toujours un moment de silence où tu laisses ton corps absorber ce que tu vois. Tu t’en remets à tes émotions, à ce que ça éveille en toi. C’est un reflet de tes pensées, de tes croyances. Si tu vois de la pisse sur les murs, questionnes-toi man, parce que ça en dit long sur ce que tu penses de ceux qui n’entrent pas dans le moule.

– C’est pas ça.

– Oui, c’est exactement ça. Ce que je te propose aujourd’hui, c’est de m’aider à retaper la place et en faire un lieu où les jeunes du quartier se sentiront bien, parce qu’il n’auront pas l’impression qu’on leur reproche d’être différents. Com’on man! laisses un peu tomber tes préjugés et imagines-toi un instant dans une galerie branchée en train de regarder des oeuvres d’art. Qu’est-ce que tu vois?

– Okay (soupir). Je vois des « oeuvres » sans liens les unes aux autres ou en tout cas pas beaucoup. Certaines sont élaborées, d’autres sont minimalistes, à la limite juste une signature. J’aime quand même assez celle-là, en bas. On sent à la fois de la vitesse d’exécution et du contrôle, de la précision, mais ce n’est pas une oeuvre réfléchie, cérébrale, c’est instinctif. Elle m’inspire toutes les possibilités, tous ces choix de vie possibles, mais aussi la difficulté de prendre le bon chemin parce qu’il manque toujours quelque chose, alors au final c’est un peu tortueux. Il y a là comme un constat, un peu comme si « l’artiste » avait ensuite pris du recul et regardé son oeuvre avec satisfaction, heureux d’avoir su représenter parfaitement ce qu’il ressentait en lui.

– Voilà. Je pense que tu commences à comprendre. Alors, tu vas m’aider?

– Okay, on va le faire.

Ma toute belle

Publié: 16 octobre, 2016 dans Écriture, L'essentiel, psychologie, Réflexions

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant d’une photo de Romaric Cazaux, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

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– Allez viens, dépêches-toi Béatrice, on va rater le train.

– Tu crois que c’est maman?

– Quoi?

– Là, le nuage.

– Mais de quoi parles-tu Béatrice?

– Juste là papa, il y avait un nuage qui me regardait.

Antoine regarda le ciel sans rien voir de particulier.

– Je ne sais pas Béatrice, mais on n’a pas le temps, on doit y aller. Viens!

Prenant Béatrice par la main, Antoine se hâta en direction de la gare, tandis que la petite jetait un regard derrière, cherchant des yeux cette forme translucide et familière qui flottait tout près d’elle quelques minutes auparavant. Charlotte, la maman de Béatrice était décédée deux mois plus tôt d’un cancer fulgurant qui, une fois démasqué, avait fini sa sale besogne en moins de trois semaines. Tout s’était passé terriblement vite et la petite n’avait pas trop compris pourquoi sa maman ne revenait plus auprès d’eux à la maison. On lui avait dit que maman était maintenant au ciel et que de là-haut, elle veillait sur nous tous, mais cette idée n’était pas trop claire pour Béatrice. Elle passait donc beaucoup de temps à observer le ciel. Dans la forme des nuages, elle discernait parfois des traits, la courbe du menton, une main ou la pointe des longs cheveux de maman. Elle surveillait aussi la cime des arbres et quand un oiseau s’élançait de là-haut, elle lui reconnaissait parfois un air familier, une façon de bouger avec grâce, comme le faisait maman quand elles tournoyaient ensemble toutes les deux au rythme de la musique. Il lui arrivait aussi de respirer profondément, y cherchant son odeur familière ou encore le matin quand elle s’éveillait, en gardant les yeux fermés, elle écoutait attentivement le moindre bruit en imaginant maman debout à la cuisine, en train de préparer le déjeuner comme avant. Elle lui manquait tant.

Maintenant assis tous les deux sur leur siège alors que le train s’apprêtait à démarrer, Antoine essuya du pouce une larme qui coulait sur la joue de Béatrice.

– Moi aussi, elle me manque ma chouette.

Puis, sortant et dépliant de sa poche un petit bout de papier, Antoine lut une fois encore à l’oreille de Béatrice, ces mots que Charlotte avait griffonnés pour elle à la toute fin.

Tes larmes m’appellent ma toute belle, mais ne crains pas, je suis là,
Je suis le souffle qui soulève les feuilles sous tes pas,
je suis le vent qui façonne les nuages pour toi,
Je suis le soleil qui chauffe doucement ta peau,
Je suis le vol, le chant d’un oiseau,
Je suis ce chat que tu caresseras des doigts,
Je suis partout où tu regarderas,
Où que tu sois, ne crains pas ma toute belle, car je suis là.

Et séchant ses larmes, à travers la fenêtre, Béatrice cru voir un sourire dans la fumée du cigare d’un gros monsieur assis  au bout du quai.

Très drôle

Publié: 9 octobre, 2016 dans Écriture, Bonheur, plaisir, psychologie

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant d’une photo de Vincent Héquet, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

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Photo ©Vincent Héquet

– Alors chérie, j’étais comment?

– Presqu’aussi bon que mon amant.

– Très drôle.

– Saches mon chéri, que je ne te faisais pas passer un examen. Déjà, que tu poses la question démontre à quel point tu es centré sur toi-même et c’est l’essentiel de ton problème.

– Je veux savoir si tu as aimé et tu trouves ça égocentrique?

– Tu ne veux pas savoir si j’ai aimé, tu veux que je te dise que tu as été bon. C’est très différent.

– Ouf, je ne comprendrai jamais les femmes.

– C’est une évidence, en effet.

– Tu es vraiment rabat-joie aujourd’hui.

– Pfffff.

– Au fait, je te dois combien?

– Très drôle.

 

Atelier d’écriture de Leiloona.

En s’inspirant d’une photo de Kot, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.

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C’était un de ces petits matins gris d’automne où on s’éveille un peu déprimé parce qu’on aurait préféré rester au lit jusqu’au printemps. Sans réelle motivation, je suis descendu à la cuisine en soupirant. En ouvrant la porte du réfrigétateur, ce fut le choc. Tous les aliments étaient devenus gris. Tous. Juste du gris partout. Le coeur battant, j’ai allumé la lumière pour constater paniqué, que je ne distinguais plus les couleurs. Mon Dieu! Les jambes molles, je me suis accroupi par terre et j’ai fermé les yeux pour reprendre mes esprits en me répétant mentalement de rester calme, que tout reviendrait à la normale, que c’était juste une illusion, un mauvais rêve. Puis j’ai ouvert les yeux et miracle, les couleurs étaient revenues. Je me suis alors mis à rire nerveusement, me moquant de cette panique ridicule.

En sortant de chez moi, ce matin-là, la grisaille de l’automne avait fait place à de magnifiques couleurs. Une fine couche de neige couvrait le sol, lui donnant un air de pureté. On distinguait encore quelques feuilles jaune, irréductibles qui s’accrochaient aux branches, refusant de se soumettre. Au loin, les conifères étalaient ouvertement ce vert profond, intense qui leur donnait un air plus costaud que les autres et je n’ai pas fermé les yeux quand le soleil aveuglant a pointé à l’horizon.