Atelier d’écriture de Leiloona.
En s’inspirant d’une photo de Julien Ribot, écrire un court texte, juste pour le plaisir d’écrire.
– C’est ce dont je te parlais. On pourrait la retaper et en faire un site vraiment cool pour que les jeunes du quartier viennent y faire du skate.
– hmmm.
– Com’on man! Ça ne te plait pas?
– Te rappelles-tu de ce camps de chasse que mon père avait à Notre-Dame-des-Bois?
– Oui, je me souviens de sa cabane.
– Quand il est tombé malade, elle a été laissée à l’abandon.
– Je ne saisi pas ou tu veux en venir.
– Je suis retourné à sa cabane il y a quelques mois. Les écureuils avaient envahi les lieux, il y avait des excréments partout, le matelas avait été grugé par les souris, les fenêtres étaient brisées. Au bout d’un certain temps, quand une construction d’homme est laissée à l’abandon, la faune locale en reprend possession. Ces tags sur les murs c’est comme un animal qui pisse pour marquer son territoire.
– Com’on man!, c’est pas de la pisse, c’est de l’art. Regarde ces formes, ces couleurs. Ces gars-là sont des artistes. Pour eux, toute surface urbaine est une immense toile qui ne demande qu’à être illuminée et mise en valeur. Ils ne cherchent pas à se l’approprier, ils cherchent à la libérer, à lui donner une personnalité unique. Moi, je ferais le ménage ici, je nettoierais et j’en ferais un endroit confortable, mais je laisserais tous ces tags sur les murs pour que les jeunes skaters s’y sentent chez eux, parce que ça ne serait pas dans le style tout propre-propre dont ils se sentent exclus.
– Je sais pas.
– L’art, ça dérange. Il faut que ça dérange. C’est toujours une sorte de cri du coeur de l’artiste qui étale ses tripes pour s’exprimer. Quand tu regardes une peinture ou une sculpture, tu as toujours un moment de silence où tu laisses ton corps absorber ce que tu vois. Tu t’en remets à tes émotions, à ce que ça éveille en toi. C’est un reflet de tes pensées, de tes croyances. Si tu vois de la pisse sur les murs, questionnes-toi man, parce que ça en dit long sur ce que tu penses de ceux qui n’entrent pas dans le moule.
– C’est pas ça.
– Oui, c’est exactement ça. Ce que je te propose aujourd’hui, c’est de m’aider à retaper la place et en faire un lieu où les jeunes du quartier se sentiront bien, parce qu’il n’auront pas l’impression qu’on leur reproche d’être différents. Com’on man! laisses un peu tomber tes préjugés et imagines-toi un instant dans une galerie branchée en train de regarder des oeuvres d’art. Qu’est-ce que tu vois?
– Okay (soupir). Je vois des « oeuvres » sans liens les unes aux autres ou en tout cas pas beaucoup. Certaines sont élaborées, d’autres sont minimalistes, à la limite juste une signature. J’aime quand même assez celle-là, en bas. On sent à la fois de la vitesse d’exécution et du contrôle, de la précision, mais ce n’est pas une oeuvre réfléchie, cérébrale, c’est instinctif. Elle m’inspire toutes les possibilités, tous ces choix de vie possibles, mais aussi la difficulté de prendre le bon chemin parce qu’il manque toujours quelque chose, alors au final c’est un peu tortueux. Il y a là comme un constat, un peu comme si « l’artiste » avait ensuite pris du recul et regardé son oeuvre avec satisfaction, heureux d’avoir su représenter parfaitement ce qu’il ressentait en lui.
– Voilà. Je pense que tu commences à comprendre. Alors, tu vas m’aider?
– Okay, on va le faire.